Présentation/Prière d'insérer :
Neuvième volume de la saga des Scouarnec-Gwenan, Les Confidences du pommier a pour décor le Porzay. Face à l’ouest, un pays ouvert sur la baie de Douarnenez. Au nord, le cap de la Chèvre et son sémaphore ; au sud, la pointe du Van.
Là, entre terre et mer, Kermordrouz Izella, une petite ferme qui a néanmoins permis à ses tenants d’élever une famille nombreuse.
Six enfants, deux clans. Ils grandissent comme s’ils étaient nés de lits différents. Les caractères s’affirment. Des fâcheries de l’enfance naissent de mauvaises rancunes. Les rivalités entre les deux camps s’enveniment au fur et à mesure que l’ego des ambitieux enfle démesurément. On ne se parle plus, on ne se voit qu’aux enterrements. Le jour où, sans raison aucune, sinon leur propre tranquillité, les sans-coeur décident d’enfermer leur vieux père dans une maison de retraite, les hostilités reprennent et la guerre est déclarée pour de bon.
C’est du point de vue de la benjamine, Toinette, et à travers l’histoire de sa vie, que se développe le récit de l’implosion de la fratrie. Fillette fragile et hypersensible, elle a été le souffre-douleur des grands. Adolescente incomprise, elle a été méprisée. Adulte, elle a été rejetée par ses aînés.
Son existence n’a été qu’une succession de dégringolades qui ont fait d’elle une femme dépressive, alcoolique, suicidaire. Elle a failli mourir dans la solitude, à Paris. Revenue dans le Porzay pour veiller sur les derniers jours de son père, elle se souvient. À ses visions bucoliques d’un monde rural idéalisé s’opposent la médiocrité et la férocité des malfaisants. Elle ressasse, rumine toutes les avanies qu’elle a subies. Enfin lucide, elle se révolte. L’heure du règlement de comptes a sonné. Il se fera sous forme de lettres d’adieu laissées dans une voiture, un soir de tempête, près du sémaphore du cap de la Chèvre où les bateaux de sauvetage attendent l’embellie pour rechercher le corps d’une noyée.
Avec en guise de formule de politesse l’assurance des plus mauvais sentiments de leur autrice, les missives assassines, signées d’un grand éclat de rire amer, sont-elles annonciatrices d’une revanche diabolique ?
Toinette, reine du suspense ? En toute confidence, le pommier se le demande aussi.
Extrait :
" Devant l’église, il fut évident aux yeux de tous que la famille était divisée en deux clans : ceux d’avant-guerre et ceux d’après-guerre.
D’un côté, un groupe réduit : Jean-Marie, Anne-Lise, Damien, Adeline et son copain, ces derniers en habits de tous les jours, jeans et parka.
— Finalement, hier soir je n’étais pas assez en forme pour aller chez vous, dit Toinette à Jean-Marie.
— Ne te casse pas la tête pour ça, dit Anne-Lise.
De l’autre côté, un bloc formé de Maurice et Florence, Maryvonne et Tanguy, Christian et Jacqueline, plus la smala des enfants et petits-enfants, une masse hostile que Toinette affronta avec aplomb, d’un regard insolent.
Des dames et quelques messieurs transportèrent fleurs et couronnes du corbillard à l’autel. Toinette jubila : le coussin de la fine équipe était resté dans le placard à balais. On entendit résonner les premières mesures de Que ma joie demeure, le porteur de croix entra dans l’église, les frères Moysan poussèrent le brancard à deux roues sur lequel était posé le cercueil, et la famille suivit, dans l’ordre d’un protocole que Toinette ne vit aucun inconvénient à respecter : priorité aux aînés. Si ça leur fait du bien, moi ça ne me fait pas de mal.
Le brancard fut calé au milieu de l’allée devant l’autel, entre les deux lutrins où les guides de funérailles se tenaient prêtes à officier. Les premiers rangs de chaises étaient réservés à la famille. Les deux clans ne se mélangèrent pas.
Toinette se retourna : derrière le trio infernal et consorts s’alignaient leurs homologues, édiles, relations d’affaires et partenaires de golf, cravatés de superbe et costumés de billets de banque. Et c’était derrière elle et Jean-Marie que les gens modestes s’étaient rassemblés. Ils avaient choisi leur camp. Dans les fermes du Porzay et les maisons du bourg, on avait su séparer l’ivraie du bon grain, l’ostentatoire de l’effacement, les m’as-tu-vu de la fille aimante et bien-aimée. Pourtant, ses dérives étaient notoires, nul n’ignorait son alcoolisme, ses séjours en hôpital psychiatrique, son statut d’invalide pensionnée. À ce mystère, à la grâce de cette union tacite, elle ne vit qu’une explication : à partir de l’EHPAD, la rumeur s’était propagée comme le mascaret sur la plage de Pentrez. Cependant que les ruraux entonnaient les cantiques en breton, elle les entendait courir, ces hommages à son dévouement. « Toinette n’a pas eu de chance dans la vie, mais elle a été présente auprès de son père que les autres avaient bouclé avec les Alzheimer alors qu’il avait toute sa tête. Tous les jours, qu’elle est venue, pendant des mois. Toinette a gagné son rachat, elle mérite qu’on la salue bien bas. »
— Amen, murmura-t-elle. "
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